L’environnement alimentaire, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs qui déterminent l’accès, la disponibilité et les habitudes de consommation des aliments, a un impact direct sur la santé des populations urbaines. Pourtant, dans les grandes métropoles comme celles d’Île-de-France, l’accès à une alimentation saine et durable demeure inégal. Comment adopter une alimentation bénéfique pour la santé tout en préservant la planète ? Et quel rôle les politiques publiques peuvent-elles jouer pour créer des environnements alimentaires plus justes et durables ?
Entre le 20 mars et le 10 juillet 2025, Ekopolis a organisé le cycle de webinaire “Nourrir la Ville” pour tenter d’y répondre. En cinq rendez-vous, l’objectif était de dresser un portrait de l’alimentation en Île-de-France, présenter les grands défis face aux inégalités pour s’alimenter, et surtout explorer des pistes concrètes pour permettre à tous·tes les habitant·es du territoire francilien d’avoir un accès plus juste à une alimentation saine et durable. Pour cela, Ekopolis a mis en lumière des retours d’expérience d’acteur·rices qui expérimentent diverses approches pour rendre nos systèmes alimentaires plus équitables et respectueux de l’environnement.
L’alimentation saine et durable, un accès très fracturé entre les territoires en France
Le premier webinaire introductif a permis de dresser un portrait de l’alimentation en France et ses enjeux. On y apprend ainsi que l’environnement alimentaire est un déterminant de santé majeur. L’accès à l’alimentation saine et durable soulève des questions sociologiques, économiques, environnementales et de santé. En effet, 17% de la population française est en situation de surpoids, avec de fortes disparités spatiales et sociales, parfois même à l’échelle d’un quartier, comme le révèle Simon Vonthron, chargé de recherche en géographie à l’INRAE.
Ses travaux démontrent que pour comprendre le paysage alimentaire d’un territoire, il faut prendre en compte deux volets : cartographier l’offre alimentaire, et comprendre les vécus de chacun·e. Ainsi, un territoire révèle souvent de fortes disparités. L’exemple des quartiers prioritaires des politiques de la ville (QPV) l’illustre : à Montpellier, les QPV ne sont pas des déserts alimentaires, contrairement à ce que les médias dépeignent régulièrement. Un désert alimentaire désigne un espace où les habitant·es ne peuvent se procurer des aliments sains, comme des fruits, des légumes, de la viande et des produits laitiers frais à des prix abordables (source : Géoconfluences). Vonthron explique que cet accès à des produits plus sains est ici plus restreint dans des quartiers hors QPV environnants.
Pour les différences entre populations en termes d’exposition, ce sont les ménages des communes périurbaines qui sont le moins exposés à une grande diversité de commerces et de restaurants. De la même manière, des populations comme les personnes sans activité professionnelle ont une plus faible exposition, compte tenu de leur mobilité quotidienne différente des personnes avec une activité professionnelle. Ces différences soulignent le fait qu’on ne peut pas faire des projets alimentaires avec une vocation universelle : la diversité de l’offre est importante. Le cas d’étude de Montpellier souligne aussi les logiques d’approvisionnement alimentaire des habitant·es, où les facteurs sont souvent combinés : l’efficacité est le plus important pour la majorité, suivi du budget et de l’évitement (lié au sentiment d’insécurité par exemple).
Pour la prise en charge du sujet par les pouvoirs publics, il est important de souligner que l'alimentation n’est pas une compétence des collectivités, mais relève d’une politique volontaire. Plusieurs compétences sont donc à relier avec l’alimentation : le foncier (lié par exemple à l’agriculture urbaine, les cantines scolaires), la planification urbaine, le développement économique, l’espace public, la mobilité, la santé… Pour agir sur l’accessibilité physique à l’alimentation, deux principaux champs d’action s’offrent aux collectivités :
- L’environnement alimentaire : emplacement des commerces, diversité des commerces, prix des produits, choix des produits vendus, points de solidarités alimentaires (aide alimentaire, épiceries sociales et solidaires, etc.)
- Mobilité des habitant·es : transports en commun, réseau cyclable, piétonnisation, réseau routier
Ce premier webinaire a aussi été l’occasion de découvrir le Portail de l’Alimentation Durable, présenté par Maud Vincienne, ingénieure-conseil en résilience alimentaire et coordinatrice et cofondatrice de cette plateforme. Cet outil, financé par l’ADEME et la Fondation Carasso, permet de donner accès à de nombreux contenus d’expertise sur l’alimentation saine et durable, en un seul et même endroit : initiatives agricoles, fiches techniques, témoignages d’agriculteurs et annonces foncières. Le portail permet aussi de fédérer une communauté d’acteur·rices et de les rendre visibles, comme Agir pour l’alimentation durable, Objectif Terres, Osaé…
Faire des Projets alimentaires territoriaux (PAT) des moteurs de transformation des territoires, de la région à la commune
Le deuxième webinaire a permis de découvrir les Projets alimentaires territoriaux (PAT) et leur mise en œuvre à plusieurs échelles du territoire, de la région à la commune. Ces projets sont des leviers essentiels pour une transition agro-écologique et pour garantir une alimentation saine et de qualité accessible à tous.
Jeanne Cazaubon, Chargée de mission au Pôle Offre Alimentaire et Nutrition à la DRIAAF (Direction Régionale et Interdépartementale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt), a commencé par présenter le contexte réglementaire. Elle a rappelé que les PAT s'inscrivent dans la continuité des politiques publiques, notamment les trois éditions du Plan National de l'Alimentation (PNA), dont l'édition actuelle est articulée autour de la justice sociale, de la lutte contre le gaspillage et de l'éducation alimentaire. Ils sont également un prolongement des lois issues des États Généraux de l'Alimentation (loi EGAlim).
Les PAT sont ainsi définis comme des projets collectifs et transversaux, allant “de la fourche à la fourchette”, qui émanent d’une véritable volonté politique locale. Ils doivent intégrer toutes les dimensions de l'alimentation durable : lutte contre la précarité, éducation, production agricole et approvisionnement bio. L'État reconnaît et soutient cette démarche par une labellisation à deux niveaux (émergent ou opérationnel). En 2024, on compte 450 PAT labellisés au niveau national. En Île-de-France, 12 PAT sont labellisés et travaillent en réseau (Réseau Francilien des PAT), bénéficiant de soutiens financiers variés comme l'Appel à projets Planification Écologique ou France Relance.
À l'échelle supra-communale, Laurène Colonge, Chargée de mission Agriculture et Plan Alimentaire Métropolitain à la Métropole du Grand Paris (MGP), a souligné les défis du territoire. Sur la MGP, caractérisée par de fortes inégalités, 40% de la population est en situation d'insécurité alimentaire. Le rôle de la métropole est donc de coordonner et d'outiller les 130 communes.
Le Plan Alimentaire Métropolitain (PAM) n'est pas un PAT stricto sensu, mais un plan stratégique fondé sur une approche systémique qui intègre la production, la distribution, jusqu'à la valorisation des biodéchets. Plutôt qu'un PAT unique, la MGP fonctionne comme un réseau de PAT locaux, favorisant une gouvernance alimentaire multiscalaire en partenariat avec des acteurs comme la Chambre d'Agriculture. Les actions prioritaires du PAM incluent le soutien à la restauration collective (via des appels à projets et l'animation du Réseau des cantines engagées pour atteindre les objectifs EGAlim) et le développement d'outils concrets de mise en relation acheteurs/producteurs, comme la plateforme AgriParisSeine.
Deux PAT ont ensuite été présentés : l’un à l’échelle départementale avec la Seine-Saint-Denis, et l’autre à l’échelle de la commune avec la ville de Gennevilliers. Romain Dhainaut, Chargé de mission transition écologique au Conseil départemental de Seine-Saint-Denis (93), a d’abord exposé les spécificités d'un territoire très urbanisé et socialement fragilisé. Le département est en effet confronté à une forte précarité alimentaire (exacerbée par la crise COVID), à des problèmes de santé publique (fort taux d'obésité) et à une faible capacité de production locale. Le PAT a été initié pendant la crise sanitaire pour prévenir les ruptures d'approvisionnement, mais s'est structuré autour d'un volet social fort. Ce PAT, couvrant l'ensemble du département, inclut l'expérimentation Vital'Im, un dispositif innovant de carte d'alimentation durable créditée de 50 euros, couplé à des actions incitatives comme des cours de cuisine.
Enfin, à l’échelle de la commune, Caroline Casas, cheffe de projet alimentation durable à la Ville de Gennevilliers, a présenté le PAT de Gennevilliers, désormais labellisé niveau 2. Le projet s'articule autour de quatre axes majeurs : la production agricole (avec un projet de ferme pour fournir la restauration collective), la santé et la justice alimentaire sociale, la sensibilisation aux enjeux alimentaires pour les habitant·es et les collègues, et enfin la préservation de l'environnement (lutte contre le gaspillage). La coordination technique du PAT s'appuie sur des instances et un Comité de Pilotage Partenarial régulier, incluant des acteurs variés. Un exemple concret d'action illustre bien l'efficacité locale : la récupération des invendus sur les marchés forains, organisée avec Biocycle, qui a permis de redistribuer plus de 1000 repas à des associations locales comme les Restos du Cœur.
Relocaliser la production avec les fermes municipales, pour une meilleure alimentation et éducation à l'environnement
Le troisième webinaire de ce cycle a exploré l'émergence et la mise en place d'une nouvelle génération de fermes municipales, qui sont des outils pour les collectivités pour répondre aux besoins alimentaires et environnementaux de leur territoire. Ces fermes, souvent créées en lien direct avec la restauration collective, constituent une réponse concrète aux défis logistiques et budgétaires que la loi EGAlim (depuis 2022) impose aux collectivités, un enjeu renforcé par la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement mise en lumière par la crise de la COVID-19.
Les fermes municipales visent principalement le maraîchage, mais peuvent intégrer d'autres productions, toutes orientées vers la demande publique, notamment la restauration collective. Elles s'engagent dans la production en agriculture biologique et se caractérisent par une gouvernance publique.
Deux grands modèles d'organisation se distinguent pour ces exploitations. D’un côté, la régie agricole municipale assure une gestion internalisée et permet à la collectivité de garder la main sur l'activité. De l’autre, le modèle peut être externalisé via des structures hybrides (comme des SCIC ou des SCOP). Un défi majeur demeure l'accès au foncier, les collectivités pouvant mobiliser leurs propres terres ou utiliser la préemption via les SAFER pour valoriser le foncier au service du bien commun. L'exemple fondateur de la Ville de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes (06), a d'ailleurs inspiré un répertoire national des fermes maraîchères municipales.
Le premier projet de ferme urbaine présenté est celui de la Ferme communale les Frémis, pour la ville de Villejuif. Cindy Delvoye, Directrice de projet transition écologique à la Ville de Villejuif, a présenté ce projet, ici géré en régie municipale. Le projet est né d'une réflexion sur l'accès aux vacances et à la nature pour les habitant·es, en particulier les enfants, dans un contexte urbain avec peu de jardins et d’espaces verts.
Après six mois de recherche, la ville a acquis un site de 12 hectares à 150 km, relié par bus, dont 3 sont cultivés. L'approche de la régie municipale simplifie la gestion : l'agricultrice sur place n'a pas à chercher de client·es puisque la ville est l'unique acheteuse. La ferme est gérée comme un service municipal classique, rattaché à la direction de la transition écologique.
Les actions de la ferme sont multiples :
- Alimentation solidaire : Livraison de paniers solidaires aux crèches, et fourniture de légumes aux associations comme le Secours Populaire ou les Restos du Cœur. Le prix des paniers pour les habitant·es est indexé sur le quotient familial et les prix de Rungis.
- Éducation et accès à la nature : Organisation de séjours de camping avec les tentes installées par la ville, et de journées d'expérimentation grâce à des bus dédiés. La mise en place d'un jardin et d'un verger pédagogiques permet de faire des récoltes en direct.
Bilan : La ferme a produit 22 tonnes de légumes. L'objectif futur est d'augmenter le nombre de paniers solidaires, pour passer de 26 en 2023 à 100 à l’été 2025, tout en développant les complémentarités avec la ferme urbaine de Villejuif.
Caroline Casas, cheffe de projet alimentation durable à la Ville de Gennevilliers, a ensuite présenté le projet d'exploitation agricole en Seine-et-Marne pour Gennevilliers. La ville est confrontée à un taux de précarité très fort, ce qui justifie la motivation du maire, lui-même issu d'une famille agricole, à garantir un approvisionnement durable et sain pour la santé des habitant·es, notamment via la restauration collective. Le projet s'inscrit dans le cadre du PAT axé sur la justice alimentaire.
Les objectifs principaux du projet sont de maîtriser les approvisionnements, de créer un lien entre le monde urbain et rural, de maintenir les métiers agricoles, et de fournir la restauration collective. Contrairement à Villejuif, Gennevilliers a rencontré des obstacles juridiques à l'achat de l'exploitation agricole envisagée en Seine-et-Marne, les Jardins de Brosses, ce qui a nécessité le lancement d'un Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) pour trouver un exploitant. Le projet est soutenu par un portage politique et un syndicat collectif, et recherche activement des financements auprès de l'Agence de l'Eau, de la Banque des Territoires et de France Relance.
Faire de l'agriculture urbaine un moteur pour réduire les inégalités sociales de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville
Le quatrième webinaire a abordé le rôle de l'agriculture urbaine (AU) comme levier potentiel pour atténuer les inégalités sociales de santé au sein des Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV). Les intervenant·es ont mis en lumière le caractère multifonctionnel de l'AU et la nécessité d'une approche intégrée pour maximiser ses bénéfices.
Clémentine Decroix, animatrice du RÉFAUR (Réseau Francilien des Agricultures Urbaines), a rappelé que l'agriculture urbaine regroupe toutes les pratiques agricoles qui ont lieu dans et autour des villes, sur des espaces qui pourraient avoir une autre vocation (logement, loisirs, etc.). Les projets d'AU se distinguent par trois caractéristiques principales : leur implantation en aire urbaine, les échanges de proximité qu'elles engendrent et leur caractère multifonctionnel. Ils se classent en trois familles : les potagers et jardins participatifs (80% des projets), les fermes urbaines participatives (9%) et les fermes urbaines spécialisées (11%).
Dans les QPV, l'agriculture urbaine apporte des bénéfices directs et indirects. Elle crée du lien social et sert de support de réappropriation du quartier par ses habitant·es. Des études, comme celle de l'AFAUP-La Sauge, démontrent que 75% des bénévoles déclarent que leur engagement est créateur de lien social. Ces espaces deviennent des lieux de rencontre et d'expérimentation, notamment pour la Sécurité Sociale de l'Alimentation.
Ensuite, Emmanuelle FAURE, maîtresse de conférence en géographie de la santé au Lab'Urba, et Giulia GIACCHÈ, chargée de recherche à l’INRAE, ont présenté les préconisations issues de leurs travaux sur l'aménagement d'une Agriculture Urbaine Favorable à la Santé (AUFS). L'enjeu est d'expliciter les liens entre l'AU et les déterminants de santé.
Bien que peu de travaux français se concentrent spécifiquement sur l'AU dans les QPV, une revue de la littérature internationale a permis de dégager 53 préconisations concrètes classées en quatre catégories :
- Techniques : mettre en place des mesures contre la pollution des sols et des outils pour une meilleure gestion de l'eau.
- Méthodologiques : ces préconisations sont majoritaires (inventaires, cartographies, formations, événements) et visent à mieux accompagner et organiser les projets.
- Politiques : utiliser l'AU comme outil de transversalité entre les politiques publiques locales (santé, aménagement, espaces verts, sécurité alimentaire). Le principe de la démarche s'apparente à « The Community Garden in all Policies », dans la lignée de « Health in all Policies ».
- Éthiques : développer une réflexion sur les outils de communication les plus adaptés aux populations précaires (langues, formats de transmission) et mettre en garde contre les limites de la seule disponibilité de nourriture si les populations n'ont pas le temps ou la capacité de la cuisiner.
Le bilan met en évidence l'importance centrale de la lutte contre les inégalités et la nécessité de focaliser les efforts sur les populations et territoires vulnérables.
Enfin, Thomas Ysembert, Directeur des Espaces Publics et Naturels à la ville de Savigny-le-Temple, a illustré la mise en œuvre de l'AU dans sa commune, notamment au sein de QPV. Le programme d'agriculture en ville est développé depuis 2020 et s'appuie sur l'appel à projets Quartiers Fertiles (programme Villes Nourricières).
Trois projets principaux ont été déployés dans le centre-ville inclus dans le QPV :
- Le Potager du château du domaine de la Grange, fonctionnant comme un chantier d'insertion.
- La Cueillette urbaine, un square ouvert doté de plantes aromatiques résistantes, accessibles à la récolte régulière par les habitant·es.
- La Pépinière de quartier, destinée à la production de plants avec et pour l'espace public.
Ces initiatives démontrent comment l'agriculture urbaine peut s'intégrer dans le tissu urbain et social, créant des espaces verts productifs et participatifs.
Garantir l'accès à une alimentation de qualité et durable avec la Sécurité Sociale de l'Alimentation (SSA)
Le cinquième webinaire était consacré à la Sécurité Sociale de l'Alimentation (SSA), un projet politique ambitieux visant à garantir à toutes et tous un accès à une alimentation de qualité, durable et choisie, en dehors de la logique de marché. La SSA n'est pas un simple dispositif d'aide, mais une transformation structurelle du système alimentaire.
Bénédicte Bonzi, docteure en anthropologie, a rappelé que la SSA n’est pas un “énième dispositif d’aide alimentaire”, et qu’elle vise au contraire à sortir d’un modèle politique “souvent solutionniste” qui ne transforme pas le système alimentaire français profondément inégal. Il s’agit d’une réponse qui réinterroge ce système, où environ 5 millions de personnes dépendent de l'aide alimentaire et où la misère des paysan·nes face aux grands groupes agro-alimentaires est structurellement ancrée. La SSA, inspirée du projet politique de la Sécurité Sociale qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale, vise à faire de l'alimentation un droit inaliénable.
Le projet repose sur trois principes fondamentaux :
- Universalité (inaliénable) : Chaque personne recevrait un montant minimum (proposé à 150 euros par personne) via un outil de type "carte vitale", un principe de solidarité active visant à répondre aux besoins nutritionnels de base. En effet, sous 5 euros par jour, il est impossible de respecter les recommandations nationales en termes de nutrition.
- Conventionnement : Ce principe est le cœur de la démocratie alimentaire. Il s'agit de s'accorder sur des critères de qualité et de durabilité pour choisir les producteur·rices et les produits éligibles, en faisant en sorte, par exemple, que plus personne ne consomme de pesticides. Le choix ne serait plus fait par l'industrie.
- Cotisation : Ce mécanisme garantirait un financement pérenne et donnerait aux citoyen·nes les moyens de gérer les caisses. Le budget estimé du projet (autour de 120 milliards d'euros) est vu comme une réponse au désordre actuel, car il réorienterait des fonds aujourd'hui dépensés pour soutenir les grands groupes industriels.
Ensuite, Bruno Fialho, coordinateur du Plan Alimentaire Territorial (PAT) Grand-Orly Seine Bièvre, a mis en évidence le potentiel lien entre la SSA et les PAT. Il considère que la SSA est structurellement transformatrice et devrait être coordonnée avec les PAT, qui sont intrinsèquement circulaires. L'enjeu démocratique est crucial : la co-décision entre les habitant·es et les élu·es doit être respectée dans le processus de conventionnement pour que les élu·es ne s'approprient pas le sujet. Selon lui, la SSA doit être gérée par des caisses locales et régionales avec des délégué·es, assurant un équilibre et évitant de « tordre la démocratie ».
Il a également évoqué le financement à travers une possible 6e branche de la Sécurité Sociale, où les employeurs contribueraient. Les bénéfices pour la santé (baisse des risques liés à une meilleure alimentation) pourraient ainsi financer l'effacement des dettes des agriculteur·rices souhaitant passer en bio ou en circuit local, favorisant ainsi la souveraineté alimentaire.
Enfin, Finn, militant à la Marmite Rouge, association qui agit pour la création d'une SSA, a témoigné des expérimentations concrètes nées d'une frustration : lutter « pour » une alternative plutôt que « contre » le système existant. Très concrètement, l'association a mené l'expérimentation "Baguettes Magiques" dans le 12e arrondissement de Paris : les participant·es cotisaient hebdomadairement selon une grille indicative, et recevaient en échange des coupons pour des baguettes de pain. La Marmite Rouge jouait le rôle d'une caisse. L'approche, bien qu'imparfaite (le pain n'étant pas l'aliment le plus nutritif, et le conventionnement non décidé par les habitant·es), a été très encourageante et a démontré la mécanique de la cotisation.
La Marmite Rouge, qui vise l'autonomie financière (avec un minimum de subventions) en se basant sur la cotisation, développe également un volet d'éducation populaire. L'association intervient auprès de différentes institutions pour former sur la SSA et fournir une analyse critique du modèle agro-industriel actuel. Des caisses autonomes sont actuellement en cours de construction dans les 18e et 14e arrondissements, ouvrant un « spectre des possibles très enthousiasmant » pour la SSA.
Conclusion
Au fil de ce cycle, les interventions ont montré que garantir une alimentation saine et durable en Île-de-France nécessite d’agir simultanément sur la production, la distribution, l’accès et la gouvernance. Des PAT à l’agriculture urbaine dans les QPV, en passant par les fermes municipales et les réflexions autour d’une sécurité sociale de l’alimentation, les initiatives présentées démontrent qu’il existe déjà des leviers concrets pour transformer les environnements alimentaires. Ces retours d’expérience soulignent aussi l’importance d’un engagement collectif sur le long terme, qui associe les collectivités, les acteurs de terrain et les habitant·es. Ce sont leurs actions coordonnées, à une échelle systémique, qui dessinent les contours d’un système alimentaire plus juste et plus favorable à la santé de toustes.
Ressources
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Ressources pour aller plus loin :
- DiagAlim, réalisé par l’Institut Paris Région
- À la redécouverte des légumes franciliens et de leurs terroirs, article publié le 8 octobre 2025 sur le site de l’Institut Paris Région, écrit par Laure de Biasi et Jean-Michel Roy: https://www.institutparisregion.fr/environnement/agriculture-et-alimentation/a-la-redecouverte-des-legumes-franciliens-et-de-leurs-terroirs/