Mettre en œuvre la sobriété énergétique et écologique dans un hôpital ou une structure médico-sociale est bien plus qu’une affaire de technologies ou de protocoles. Ce n’est pas seulement installer des équipements performants, programmer des systèmes ou diffuser des guides de bonnes pratiques. C’est avant tout une aventure humaine et collective, où chaque personne - du patient au médecin, de l’infirmier au personnel administratif, des visiteurs aux prestataires - est invitée à participer, expérimenter et adopter progressivement des gestes et comportements nouveaux. Ces gestes, parfois simples mais souvent différents de ce que chacun a l’habitude de faire, contribuent ensemble à un objectif commun : rendre nos établissements plus durables, sobres et résilients.
La psychologie humaine joue ici un rôle central. Changer ses habitudes, même pour le bien collectif, n’est jamais linéaire et suit un cheminement intérieur que l’on pourrait comparer à un processus de deuil. Elisabeth Kübler-Ross, en analysant les réactions face aux grandes pertes, a décrit des étapes que chacun traverse parfois sans le savoir : du déni à la colère, de la peur à l’acceptation. Dans le contexte écologique, comprendre ces étapes devient une véritable clé pour accompagner le changement avec bienveillance, en reconnaissant les émotions, les résistances et les doutes de chacun.
Accompagner ce cheminement, c’est offrir à tous les acteurs de l’établissement un espace pour comprendre, expérimenter et se réapproprier le pouvoir de leurs actions. C’est créer une dynamique collective où le changement n’est pas subi mais partagé, valorisant chaque initiative, chaque geste et chaque progrès. C’est ainsi, pas à pas, que l’on transforme non seulement nos pratiques, mais aussi notre culture, pour construire des établissements plus responsables et alignés avec les enjeux environnementaux d’aujourd’hui.
1. Comprendre la phase de descente : déni et choc
Au début, beaucoup de professionnels et usagers peuvent se sentir déconnectés de l’urgence écologique dans le quotidien d’un établissement de santé. Le déni n’est pas un refus de bien faire, mais une réaction naturelle : il est difficile de mesurer l’impact concret des gestes énergétiques et écologiques lorsqu’on est concentré sur le soin et le confort des patients.
Le choc survient souvent lorsqu’une donnée ou un événement fait prendre conscience de l’ampleur des enjeux : consommation énergétique excessive, gaspillage de ressources, déchets non triés, empreinte carbone invisible mais réelle. Cette prise de conscience peut créer un sentiment de paralysie ou d’impuissance, mais elle est aussi le premier pas vers l’action.
Comment accompagner cette étape ?
Partager des chiffres concrets et locaux (consommation d’énergie par service, déchets produits, émissions carbone).
Montrer des exemples concrets et positifs dans l’établissement ou ailleurs.
Créer des espaces d’écoute où chacun peut exprimer ses émotions, ses questions et ses inquiétudes.
2. La colère et la peur : accueillir et canaliser les émotions
Après le choc, certains peuvent ressentir colère ou frustration : “On nous demande encore plus alors que nous sommes déjà débordés !” ou “Cela va compliquer notre travail quotidien !”. La peur peut également s’installer : peur de ne pas assurer le confort et la sécurité des patients, peur de l’inconnu ou peur de l’échec.
Comment agir ?
Accueillir ces émotions avec bienveillance, reconnaître la difficulté du changement.
Impliquer les équipes dans la co-construction des actions, pour que les décisions soient partagées et adaptées aux contraintes réelles.
Commencer par petits projets pilotes, faciles à tester, visibles et valorisants pour tous.
3. Le marchandage et la dépression : transformer l’impuissance en motivation
Il est courant que certaines personnes tentent de négocier : “Je vais éteindre la lumière dans mon bureau, mais je continue à utiliser mon matériel énergivore ailleurs”. Ou bien, un sentiment de découragement peut apparaître : “Nos efforts sont-ils vraiment utiles ?”.
Comment accompagner cette étape ?
Décomposer les actions en gestes simples et concrets, applicables au quotidien :
Réguler le chauffage et la climatisation selon les plages horaires et les besoins réels.
Éteindre les équipements et lumières inutilisés.
Optimiser la ventilation et l’entretien des filtres.
Trier et réduire les déchets, limiter les impressions et les emballages.
Valoriser chaque progrès et communiquer les résultats visibles : économies d’énergie, réduction des déchets, amélioration du confort.
Créer un sentiment collectif d’accomplissement, où chaque action compte et chaque équipe peut se reconnaître dans les succès.
4. La remontée : acceptation et quête de sens
Lorsque le personnel et les usagers passent à l’acceptation, ils comprennent que certains comportements doivent évoluer pour le bien commun. La quête de sens s’installe : chacun cherche à aligner ses gestes avec ses valeurs.
Comment accompagner cette étape ?
Proposer un plan d’actions participatif, impliquant tous les acteurs : médecins, infirmiers, techniciens, patients, familles et prestataires.
Former et sensibiliser sur les éco-gestes clés, en les adaptant aux missions spécifiques de chaque service.
Mettre en place un suivi et des indicateurs de performance, pour que les équipes voient l’impact concret de leurs efforts.
5. La sérénité : ancrer les pratiques et créer une culture durable
Lorsque la sérénité s’installe, les gestes écologiques deviennent naturels et intégrés dans la culture de l’établissement. La sobriété énergétique et écologique n’est plus perçue comme une contrainte, mais comme un engagement collectif et positif.
Pour soutenir cette étape :
Maintenir un dialogue régulier entre direction, équipes et patients.
Valoriser les initiatives locales et innovantes, par des challenges ou récompenses internes.
Communiquer régulièrement sur les résultats et impacts, pour nourrir la motivation et renforcer le sentiment d’appartenance à une démarche collective.
À retenir:
Accompagner un établissement de santé ou médico-social vers la sobriété énergétique et écologique est un voyage humain autant que technique. Il demande patience, écoute, valorisation et accompagnement, étape par étape. Comprendre les émotions et résistances de chacun, créer des espaces d’échange, et proposer des actions concrètes et valorisantes permet de transformer la peur et le découragement en engagement positif et durable.
C’est ensemble, pas à pas, que l’on construit un établissement plus responsable, plus résilient et plus respectueux de l’environnement, où chaque geste compte et où chaque personne peut se sentir actrice du changement.
Pour concrétiser une démarche de sobriété énergétique dans un établissement de santé ou médico‑social, il est essentiel de s’appuyer sur des outils techniques éprouvés et des retours d’expérience. Voici quelques ressources clés à explorer — des guides complets qui permettent de bâtir une stratégie rigoureuse, efficace et partagée.
Le guide MAPES - “Sobriété Énergétique” : 2022-10-12‑FHF‑Livret‑Sobriete‑Energetique (PDF) : un carnet de route pratique, avec des actions concrètes et des “quick wins” pour réduire les consommations, optimiser les bâtiments et sensibiliser les équipes. MAPES
Le guide Fédération hospitalière de France (FHF) — « 20 propositions pour la sobriété énergétique des établissements sanitaires et médico‑sociaux publics » : un cadre complet de gouvernance, pilotage, rénovation, régulation, et mobilisation des énergies humaines et techniques. Fédération Hospitalière de France+1
Le guide ADEME / AICVF « Santé – Bâtiments à haute performance énergétique : Programmer – Concevoir – Gérer » : utile pour concevoir ou rénover des établissements en optimisant l’efficacité énergétique, en maîtrisant le bâti, les usages, les systèmes techniques et en conciliant confort, maintenance et sobriété. AICVF+1
Le guide « Ventilation‑Chauffage‑Climatisation et sobriété énergétique » — issu de l’INRS (relié via Construction21) : pour tout ce qui concerne la gestion de la ventilation, la qualité de l’air intérieur et le confort thermique — des points cruciaux dans les établissements de santé — tout en maîtrisant les consommations énergétiques. Construction21
Le guide pratique Apave « Vos leviers d’action pour développer votre sobriété énergétique » : une approche structurée sur le court, moyen et long terme, avec un plan d’actions concret et sécurisé, utile pour bâtir une feuille de route globale. Apave France