[DOSSIER THÉMATIQUE] Rafraîchir les villes

L'adaptation urbaine à la chaleur, un phénomène millénaire

Le confort estival dans les espaces publics est une préoccupation humaine remontant à la sédentarisation. Des réponses urbaines vernaculaires se sont multipliées selon les climats et les régions, aboutissant à des approches qu’on qualifierait aujourd'hui de « bioclimatiques », avec certaines, comme le mouvement algérianiste, qui s'adossaient déjà sur la science pour leur mise en oeuvre. Ces approches varient ainsi des médinas denses et ombragées au Maghreb (Tunis, Casbah d’Alger), aux dispositifs tels que les qanats, citernes d’eau et jardins dans la vieille ville de Yazd en Iran, jusqu’à l’agencement traditionnel des villes méditerranéennes, caractérisées par des maisons en pierre, des façades blanches, des patios et des toitures-terrasses.

Longtemps limitées aux zones les plus chaudes, ces réflexions sur l’adaptation urbaine à la chaleur ont pris, à partir du XIXe siècle, une dimension scientifique grâce aux premières mesures climatiques réalisées dans les observatoires, au moment même où les villes connaissaient de profondes mutations liées aux révolutions industrielles (sources : C. Gaillard, E. Garnier).

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Images d'architecture bioclimatique
Ville de Yazd, Iran @Hasan Almasi ; Ville d’Alger, Algérie @Azzedine Rouichi ; Ville d’Ostuni, Italie @Henrique Ferreira
Une prise en compte globale beaucoup plus récente

Le XXème marque un tournant vers l’intensification du phénomène d'îlot de chaleur urbain. A partir des années 1930, le modernisme et la reconstruction d’après-guerre ont imposé une standardisation urbaine (grands ensembles, pavillonnaires, zones d’activités) pensée pour la voiture et la maison individuelle, privilégiant béton et enrobé, matériaux imperméables favorisant la réduction de la végétation, la moindre infiltration des eaux et l’augmentation des îlots de chaleur. En parallèle, des mouvements ont commencé à intégrer la dimension climatique dans la conception architecturale, comme le mouvement algérianiste des années 1930 à 1950, qui promouvait une architecture adaptée au climat, à la culture locale et aux matériaux disponibles (source : Espazium). 

Il faudra attendre les années 70 et les chocs pétroliers pour que l'architecture et l'urbanisme voient émerger à nouveau une approche bioclimatique (destinée à réaliser des économies d’énergie et notamment de chauffage), mais qui aura peu d'impact sur les constructions en France avant le renouveau actuel que connaît cette démarche sur notre territoire (sources : Cité de l’Architecture et du Patrimoine, CEREMA). 

Aujourd’hui, et ce depuis plusieurs années, les records de chaleur annuels se succèdent. Les canicules et vagues de chaleur sont plus courantes et nombreuses, plus intenses également, et laissent entrevoir une forme de normalisation de scénarios climatiques autrefois jugés comme pessimistes ou relevant d’un horizon lointain. La canicule de 2003 (plus de 5000 décès) représente un moment pivot dans la prise de conscience des conséquences sanitaires et sociales que ces phénomènes engendrent. Ces épisodes, plus fréquents, continuent pourtant d’avoir des effets meurtriers : Santé Publique France évoque plus de 7000 morts en France liés à la canicule de 2022 (sources : Haut Conseil pour le Climat, Santé Publique France).

#1. Îlot de chaleur urbain

Un îlot de chaleur urbain (ICU) se caractérise par la différence entre la chaleur la nuit entre la ville et les zones rurales et péri-rurales environnantes. Cette différence est une conséquence directe de l’urbanisation, qui provoque un ensemble de phénomènes physiques qui viennent modifier le climat des villes (sources : APUR, CEREMA). 

En Île-de-France, l’ICU est un phénomène épisodique. La ville est un “amplificateur” des canicules, pendant lesquelles les habitant·es subissent des températures particulièrement élevées, posant ainsi des risques pour la santé. On estime que 3 685 000 Franciliens, soit 31 % de la population, résident dans des îlots considérés comme fortement vulnérables à la chaleur (source : Institut Paris Région). 

Pour mesurer un ICU, l’Institut Paris Région a développé une cartographie qui utilise le nouveau système de classification des Zones climatiques locales (Local Climate Zones, LCZ). Il permet de caractériser l'influence climatique des îlots d'après leur typo-morphologie, leur comportement thermique ou radiatif et leur potentiel de rafraîchissement.

Comprendre la chaleur en ville, un phénomène multifactoriel

Les causes de la chaleur en ville sont multiples et cumulatives. Si l’urbanisation est perçue, et à raison, comme l’un des facteurs les plus importants dans l’accentuation des ICU, elle n’est pourtant pas la seule source explicative du phénomène. On distingue ainsi 5 principaux facteurs : 

  1. Le réchauffement climatique
    Bien que le réchauffement climatique ne soit pas une cause directe des ICU, il est en revanche un réel facteur aggravant leur intensité. Météo France estime que la sévérité et la fréquence des vagues de chaleur augmenteront au XXIe siècle, par rapport à la période 1981-2010 (source : CEREMA).

  2. La minéralisation et les matériaux
    Le choix des matériaux contribue fortement aux îlots de chaleur urbains. Les revêtements minéraux couramment utilisés dans les espaces publics (béton, asphalte ou bitume) ont un faible albédo, c’est-à-dire qu’ils réfléchissent peu le rayonnement solaire. Ils absorbent donc beaucoup de chaleur le jour et la restituent la nuit, renforçant le réchauffement nocturne. 
    De plus, la perméabilité, la conductivité thermique et l’inertie des matériaux influencent leur capacité à stocker ou diffuser la chaleur. Le choix des matériaux et de leur couleur peut ainsi jouer un rôle déterminant dans la régulation du climat urbain, en contribuant à limiter ou au contraire à intensifier les effets de surchauffe (sources : CEREMA, ADEME).

  3. L’imperméabilisation des sols, l’eau et la végétalisation
    L’imperméabilisation des sols, héritée notamment des logiques hygiénistes, a conduit à la suppression des écoulements naturels et à la réduction des surfaces végétalisées. L’intensification considérable des revêtements goudronnés ou asphaltés empêchent l’infiltration et l’évaporation de l’eau, limitant ainsi les phénomènes naturels de rafraîchissement. Le manque de végétation accentue cette dynamique. Les plantes jouent pourtant un rôle essentiel dans la régulation thermique, par l’ombrage, la photosynthèse (qui capte une partie du rayonnement solaire) et surtout par l’évapotranspiration, un processus qui libère de la vapeur d’eau et rafraîchit l’air ambiant. 
    De même, la présence d’eau en ville contribue au rafraîchissement urbain. Par son écoulement et sa température, elle peut stocker de la chaleur et l’évacuer. L’évaporation de l’eau, qu’elle soit naturelle ou provoquée, absorbe de la chaleur et permet un abaissement localisé de la température (sources : CEREMA, ADEME).

  4. Les formes urbaines
    La forme urbaine influence directement les effets d’ICU, ainsi que le climat, et ce à une échelle très fine. La forme urbaine peut être caractérisée par la densité, la hauteur, l’orientation des bâtiments, ou encore la largeur des rues. Une densité élevée, associée à la forme des bâtiments hauts et des rues étroites, limite la circulation de l’air et réduit l’exposition au ciel, ce qui freine le refroidissement nocturne par rayonnement. On parle alors de rues-canyons, qui ont cependant l’avantage d’offrir des zones d'ombre importantes en journée. 
    À l’inverse, des formes urbaines plus ouvertes, avec une densité maîtrisée (autour de 30-40 %), permettent une meilleure ventilation naturelle et une limitation du piégeage thermique. Globalement, le facteur de vue du ciel (SVF) (la part du ciel visible depuis le sol) joue un rôle clé : plus il est faible, moins le rayonnement nocturne s’évacue, aggravant l’ICU (sources : CEREMA, ADEME).

  5. Les activités humaines et les émissions de chaleur d’origine anthropique 
    Toute consommation d’énergie contribue à l’élévation de son environnement. Ainsi, les activités humaines représentent une source directe de chaleur en ville. La concentration d’usager·es dans des espaces restreints (logements, bureaux, espaces publics) et les usages associés (transport, consommation énergétique, passage de canalisations d’eau chaude, industries, notamment les data centers) participent activement à la surchauffe urbaine. 
    En ville, de nombreuses activités rejettent de la chaleur dans l’espace public et les espaces clos : les moteurs thermiques des véhicules, les process industriels, le chauffage… mais aussi la climatisation, qui est considérée comme une mal-adaptation : paradoxalement, si elle rafraîchit l’intérieur des bâtiments, elle aggrave le réchauffement extérieur en y rejetant de l’air chaud. Réduire l’impact de ces sources anthropiques (en limitant leur usage ou en développant des alternatives moins énergivores et moins polluantes) permet non seulement d’atténuer les ICU, mais aussi de diminuer la consommation énergétique globale et les émissions associées (sources : CEREMA, ADEME, APUR).

 
#2. Canicule et vague de chaleur

La canicule est un épisode de chaleur intense d’au moins 3 jours, avec des seuils de température spécifiques à chaque département (de jour comme de nuit), au-delà desquels la chaleur devient dangereuse pour la santé. Selon les départements, les seuils varient de 17°C à 24°C la nuit, et de 32 à 36°C le jour. (source : Santé Publique France). Le phénomène est particulièrement amplifié dans les villes, avec la rétention de chaleur causée par les ICU. A titre d’exemple, lors de la canicule de 2003, la surmortalité a été de 141% à Paris, alors qu’en zones rurales, elle était de 40% (Cadot, 2006). On parle également de “nuit tropicale” pour qualifier les nuits où la température ne descend pas sous la barre des 20°. Ce phénomène est amené à s’accentuer : 79 % de la population, répartie sur 24% du territoire, serait exposée à au moins 30 nuits tropicales durant l’été sur la période 2021-2050 (source : INSEE).

La vague de chaleur est une période de plusieurs jours consécutifs avec des températures anormalement élevées. En France, l’indicateur thermique national doit être supérieur ou égal pendant un jour à 25,3 °C, ou supérieur ou égal à 23,4 °C pendant au moins 3 jours (source : Météo France). La Trajectoire de réchauffement pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) observe la fréquence accrue des vagues de chaleur. A titre d’exemple, 33 vagues de chaleur ont été recensées en 2022, un record depuis 1947. Elles sont également de plus en plus intenses, mais aussi précoces et tardives dans l’année (source : TRACC).

 

#3. Confort thermique

Le confort thermique fait référence à la sensation de bien-être liée aux conditions climatiques ressenties par une personne dans un espace donné. En ville, il dépend non seulement de la température de l’air, mais aussi de l’exposition au rayonnement solaire et infrarouge (provenant de surfaces chaudes), ainsi que de la qualité de la ventilation naturelle. Le stress thermique, soit l’inconfort thermique ressenti, est accentué par la surchauffe urbaine lors de des périodes de chaleur. 

Cet inconfort varie selon la vulnérabilité des individus, qui est multifactorielle : âge, métabolisme, habillement, activité, habitat, capacités de mobilité, revenu… Des outils de mesure du confort thermique existent, comme l’outil RITE maître d’ouvrage du CEREMA, qui permet l’estimation du niveau de confort thermique d’un logement collectif lors de périodes de fortes chaleurs (sources : Researchgate, CEREMA).

 

#4. Conception bioclimatique

La conception bioclimatique est une approche de l’aménagement et de l’architecture qui vise à créer des bâtiments ou des espaces urbains en harmonie avec le climat local, l’environnement naturel et les besoins des habitant·es ou usager·es. Elle repose sur une compréhension fine des interactions entre les éléments naturels (topographie, végétation, ensoleillement, vents, etc.) et les formes construites

En intégrant l’environnement dès la phase de conception, cette approche cherche à optimiser le confort thermique, lumineux et sensoriel des utilisateurs tout en limitant les besoins énergétiques. La forme urbaine (organisation des voiries, des parcelles, des masses bâties et des espaces ouverts…) joue un rôle essentiel. En effet, une conception du bâtiment bien pensée peut, par exemple, favoriser la ventilation naturelle, réduire les phénomènes de surchauffe nocturne et créer des zones d’ombre en journée, contribuant ainsi à un meilleur confort climatique en milieu urbain (sources : Guide RE 2020 Cerema, Préfet de Seine-et-Marne).

 

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Enjeux ICU
@Zoé Kergutuil

Les impacts sanitaires

La chaleur en ville a des conséquences sur la santé des humain·es. Certaines populations y sont plus vulnérables que d’autres, à cause de leurs caractéristiques biologiques mais surtout de leurs caractéristiques sociales.

Les effets directs 

Lorsque le corps humain est exposé à des températures élevées, il met en place des mécanismes de régulation thermique pour contrer l'augmentation de la chaleur. Cependant, lorsque ces mécanismes sont dépassés, diverses pathologies liées à la chaleur se manifestent, comme l'insolation, les crampes, la déshydratation, voire le coup de chaleur, pouvant entraîner la mort. Les événements cardiovasculaires sont aussi fréquents, car le cœur est très sollicité en cas de coup de chaleur. 

Les effets sanitaires d'une exposition à la chaleur se traduisent non seulement par une augmentation de la fréquence des urgences médicales pour des pathologies liées à la chaleur lors des vagues de chaleur, mais également par une augmentation rapide de la mortalité dès le début de l'exposition. Ainsi, Santé Publique France révèle qu’entre 2014 et 2023, la mortalité tous âges attribuable à la chaleur sur l’ensemble de la saison estivale (1er juin – 15 septembre) est estimée à 37 825 décès. 28 % de ces décès ont lieu pendant les périodes de canicule, qui représentent 3 % des jours. L’Institut Paris Région précise qu’il existe un risque de mortalité de 18% plus élevé dans les villes comparées à la campagne. 

En Île-de-France, un·e habitant·e sur deux dort chaque nuit dans un îlot avec un effet d’ICU moyen à fort, avec une proportion accrue pour les ménages pauvres ou d’un seul individu. (source : Institut Paris Région).

Les effets indirects 

La chaleur a un impact sur la qualité du sommeil, alors que les “nuits tropicales”, pendant lesquelles la température ne descend pas en dessous de 20°C, devraient se multiplier. Paris en a subi 7 pendant l’été 2023 ; et l’étude Paris face aux changements climatiques en prévoit 17,8 pour l’année 2030. 

La chaleur affecte aussi la concentration, notamment des plus jeunes mais aussi des adultes : la productivité au travail diminue quand les 25-26 degrés sont dépassés, et baisse de moitié au-delà de 33-34 degrés. Les accidents sont aussi plus fréquents. Elle a aussi des effets sur la santé mentale et le bien-être : le taux de suicide augmente aussi avec la température, tout comme les comportements violents

Les vagues de chaleur augmentent particulièrement les violences sexistes. C’est ce que révèle l’ONU dans un rapport qui explique que les conditions météorologiques extrêmes sont un des facteurs qui font exploser les violences de genre. On constate par exemple une augmentation de 28 % des féminicides pendant les vagues de chaleur. 

Pour en savoir plus sur les conséquences sanitaires de la chaleur, Santé Publique France y dédie une page, ainsi qu’Ekopolis qui y a consacré une table-ronde lors de sa 6ème Journée Francilienne sur l’urbanisme et la santé.

 
Les populations les plus touchées par la chaleur

Tout le monde n’est pas affecté de la même manière par la chaleur en ville. Certaines caractéristiques biologiques accentuent la vulnérabilité à la chaleur. Ainsi, les nourrissons, les femmes enceintes et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables à la chaleur, tout comme les personnes atteintes de certaines pathologies ou qui prennent certains médicaments. 

Mais les caractéristiques sociales jouent aussi un rôle prédominant dans la façon dont la chaleur affecte les individus, ce qu’explique Mathilde Pascal, chargée de projet changement climatique et santé à Santé Publique France. Ainsi, la mortalité attribuable à la chaleur pour les étés 2014 à 2022 chez les personnes âgées de 75 ans et plus est de 23 000 décès, soit les deux tiers du bilan tous âges. 

Les personnes âgées perçoivent moins bien la chaleur et la sensation de soif, et ont plus de difficultés à se thermoréguler, d’où des risques accrûs de déshydratation et de coups de chaleur. Les enfants représentent également une tranche d’âge plus à risque. Contrairement aux adultes, les enfants ont un corps qui a plus d’échanges thermiques avec leur environnement. Leur système de transpiration est moins efficace, et les bons réflexes face à la chaleur (boire de l’eau, se rafraîchir…) sont souvent moins bien assimilés. 

Pourtant, au-delà de l’âge, l’isolation sociale, qui, d’après le baromètre des Petits Frères des Pauvres 2021, concerne 2 millions de personnes âgées en France, est un facteur aggravant ce risque. Ce risque est lui-même accentué par la précarité économique. En effet, les inégalités sociales donnent aussi lieu à des inégalités d’exposition à la chaleur. Elles dépendent, entre autres, de l’habitat (propriétés thermiques et d’aération, nombre de mètres carrés par habitant·es, ancienneté du bâti, exposition différenciée selon les étages…) et du cadre de vie (circulation de l’air, accès à des îlots de fraîcheur et végétalisation, rues canyons…). 

Ainsi, 70% des habitant·es des quartiers prioritaires de la politique de la ville disent souffrir d’une température trop élevée dans leur logement en été, contre 56% de la population générale ; et 62% ont éprouvé des difficultés à trouver un endroit pour bénéficier de fraîcheur contre 48% de la population générale. Dans un rapport publié en 2023, la Fondation pour le logement parle de “précarité énergétique d’été”. Les logements mal isolés l’hiver ne le sont pas moins l’été, et peuvent alors devenir de vraies fournaises, une réalité soulignée par Hélène Denise, membre de la Fondation.

En plus de vivre dans des endroits moins favorables, ces populations précaires ne sont pas en mesure de s’éloigner de la ville pendant les périodes critiques comme peuvent le faire les populations plus aisées : difficultés à partir en vacances, pas de résidence secondaire. Les populations sans-abris sont elles aussi très vulnérables aux épisodes de chaleur : le taux de mortalité pendant ces périodes est le même que pendant les vagues de froid. Dans la rue, il est difficile de trouver des endroits où s’approvisionner en eau et se rafraîchir. Le risque de déshydratation est donc le plus important, suivi des brûlures et accentuation des problèmes de peau. Les recommandations sanitaires du Plan Canicule, mis à jour en 2014 par le Haut Conseil de la Santé Publique donnent des recommandations quant à la prise en charge des sans-domicile fixe, pages 64 à 66. 

Certain·es travailleur·ses aussi sont particulièrement exposé·es à la chaleur, notamment celles et ceux qui travaillent en extérieur, dans le domaine de l’agriculture ou du BTP par exemple ou qui travaillent à des tâches qui génèrent de la chaleur, en boulangerie ou dans la métallurgie par exemple. 

La population carcérale enfin est particulièrement sensible à la chaleur. Dans les prisons françaises, souvent sur-occupées (le taux d’occupation moyen des maisons d’arrêts dépasse 146% à l’été 2023) et vétustes (mauvaise isolation), les effets des canicules sont particulièrement marqués : impossibilité d’aérer, difficulté pour voir un professionnel de santé, horaires de promenades contraints, nombre de douche limité, uniforme inadapté… Le plan canicule en prison existe depuis 2006 et demande à ce qu’une vigilance particulière soit portée aux populations les plus vulnérables pendant ces périodes mais ne saurait suffire. 

La Cour des Comptes consacre une partie de son rapport annuel 2024 à la protection des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur. Elle appelle à augmenter les connaissances sur le sujet, et mieux anticiper les crises pour mieux y réagir. Des recommandations sont formulées pages 171 et 172.

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Facteurs de risque communautaires et individuels qui peuvent contribuer à la vulnérabilité aux maladies liées à la chaleur (source : Santé Canada) @Thomas Le Scornet

 

Les impacts sur la biodiversité

Les ICU comportent également des impacts lourds sur la biodiversité, affaiblissant en conséquence les villes et les écosystèmes. On parle en effet d’impacts sur les services “écosystémiques”, soient les conséquences de la nature sur les sociétés humaines, par exemple les services d’approvisionnement (ex. : nourriture, combustibles, matériaux), ou les services de soutien (grands cycles biogéochimiques de l'eau, du carbone) (source : Institut Paris Région). 

En ville, les fortes chaleurs mettent en péril les habitats naturels, surtout si la chaleur est accompagnée d’une forte sécheresse. Pour les petits animaux, cela représente un danger, notamment les oiseaux, les chauves-souris, les hérissons et les insectes. On observe également une forte baisse de la natalité chez les animaux, menaçant ainsi l’équilibre local. 

Les plantes, quant à elles, se retrouvent en situation de stress accru. Les arbres, fragilisés par la chaleur et les pénuries en eau, peuvent perdre précocement leurs feuilles ou leur écorce. Cela les expose aux parasites, réduit leur espérance de vie, et amoindrit leur capacité à absorber le carbone. De plus, un arbre qui n'a pas accès à l'eau ou à un sol qui a des réserves en eau ne sera pas en capacité de rafraîchir l'atmosphère. Les plantes se retrouvent globalement fragilisées par le phénomène, et ce sur le long terme (source : Futura Sciences).

 

Les impacts sur les réseaux et infrastructures critiques 

Les vagues de chaleur, amplifiées par les îlots de chaleur urbains, fragilisent de manière croissante les infrastructures techniques. Les réseaux de transport, d’électricité et de télécommunication sont particulièrement exposés, avec des risques accrus de dysfonctionnements, de dégradations matérielles et d’interruptions de service. Tous ces phénomènes sont à considérer de manière interconnectée : en effet, un événement impactant négativement un réseau (incendie, inondation) peut avoir des conséquences sur un autre. Un exemple est l’incendie d’un poste électrique à Issy-les-Moulineaux en 2018 qui a provoqué des coupures d’électricité pour environ 6 000 foyers pendant une journée. Il a aussi impacté le réseau ferroviaire en dégradant l’exploitation de la gare Montparnasse à Paris.

Réseaux de transport (routières et ferroviaires) 

Les réseaux et infrastructures de transport jouent un rôle actif dans l’îlot de chaleur urbain, en absorbant et en réémettant massivement la chaleur. Mais ils en sont aussi victimes. Les épisodes de fortes chaleurs fragilisent de plus en plus les équipements, parfois sans les détruire, mais en affectant durablement leur fiabilité et leur sécurité : par exemple des bitumes qui se ramollissent sous l’effet du ressuage, des rails qui se dilatent et se déforment, ou encore des caténaires perturbées. Pour les transports en commun, le risque se répercute sur les voyageur·euses, que ce soit sur la fiabilité du service, qui peut être plus facilement interrompu, ou les conditions de transport (fortes chaleurs au sein-même des trains, des métros…), pouvant mettre directement en danger la santé des usager·es (source : Adaptation Changement Climatique). 

Réseaux électriques 

Lorsque la température augmente, les performances des lignes électriques, aériennes ou souterraines, sont affectées. Les lignes aériennes perdent en capacité de refroidissement, ce qui limite le courant admissible. Lors d’épisodes de fortes chaleurs, la température des câbles augmente plus rapidement, obligeant à réduire la charge maximale pour éviter la surchauffe. Les lignes souterraines, quant à elles, subissent aussi les effets d’un sol plus chaud, qui réduit leur capacité à dissiper la chaleur. Les systèmes de refroidissement sont également exposés à des risques accrus de défaillance, notamment sur les sites stratégiques de production ou de gestion de l’électricité. Un exemple concret de ce phénomène était déjà observé lors de la canicule de 2003 : des interruptions de service étaient beaucoup plus fréquentes, causées par des courts-circuits et des défaillances des réseaux enterrés. En tout, plus de 240 000 usager·es en Île-de-France ont été touché·es (sources : Le Monde de l’énergie, France Stratégie). 

Réseaux de télécommunication 

Les infrastructures de télécommunications, elles aussi, sont vulnérables aux fortes chaleurs en ville, notamment les antennes-relais installées sur les toits. Exposées en permanence au soleil, ces installations peuvent surchauffer et se mettre automatiquement en veille si le système de ventilation est insuffisant. Ces mises en veille entraînent une dégradation de la qualité du service : diminution des débits, augmentation de la latence, ou même des coupures de signal si plusieurs antennes sont simultanément affectées (sources : Le Monde de l’énergie, France Stratégie).

Domaines d'intervention possibles et modes de diagnostic des ICU

Il existe trois registres d’adaptation possibles face à la chaleur en ville : préventif avec une transformation de la ville, préventif pour anticiper une gestion de crise, ou plus curatif avec une gestion de la crise lorsqu’elle se produit. Pour limiter au mieux ce dernier scénario, l’objectif pour les milieux urbains est de tendre vers une transformation progressive des villes par rapport à ces enjeux (source : webinaire de l’Institut Paris Région).

Les méthodes de diagnostic des îlots de chaleur urbains reposent sur des outils qui permettent de déterminer la vulnérabilité d’exposition d’un territoire, couplée à sa vulnérabilité socio-économique.

Le premier outil de lecture est la cartographie du CEREMA sur les zones Zones Climatiques Locales (LCZ) à l’échelle de la France métropolitaine. Cette carte présente les zones concernées par le phénomène d’ICU sur 12 000 communes selon leur degré d’exposition. En tout, les 88 aires urbaines les plus grandes sont représentées, soit 44 millions d’habitant·es. Ce premier outil gratuit permet de poser un premier diagnostic, et de déterminer les actions complémentaires à mettre en place, notamment un diagnostic plus poussé sur un territoire prédéterminé.

Météo-France propose également un accompagnement pédagogique pour les communes : Climadiag Chaleur en ville. Ce service offre une  modélisation à très haute résolution sur des événements ou périodes météorologiques sur une commune donnée, à la fois avec une cartographie actuelle, mais aussi projetée des fréquences d'apparition des phénomènes d’ICU dans les prochaines années.

Enfin, il existe des diagnostics à l’échelle du piéton. Ces outils qualitatifs, notamment des études de terrain avec des habitant·es, élu·es et technicien·es de la ville peuvent se traduire sous forme de balade urbaine. Cette méthode a notamment été mise en place à Toulon et la Seyne-sur-Mer dans une démarche de co-construction avec les habitant·es. D’autres outils comme une cartographie de chaleur sensible, élaborée avec des habitant·es vulnérables à Lille, permettent de comprendre leur ressenti et leurs usages lors des épisodes de fortes chaleurs.

Les solutions pour limiter la chaleur en ville

Les solutions pour lutter contre la chaleur en ville se décomposent en trois catégories : les solutions vertes (fondées sur la nature), les solutions grises (techniques), et les solutions douces (liées au comportement et à la gestion urbaine). A noter que le rafraîchissement urbain reste un domaine de recherche encore récent, mais qui a fait ses preuves, avec une approche qui vise à multiplier les expérimentations et les démarches d’évaluation, comme le préconise l’ADEME. Les retours d'expérience des constructions issues du mouvement algérois et plus près de nous des écoquartiers labellisés constituent aussi des éléments susceptibles d'apporter des solutions éprouvées et efficaces.

Face à la diversité des contextes, les solutions doivent être localisées pour s’adapter aux spécificités des projets ou territoires. Pour chaque solution, il est important de prendre en compte ses impacts et cobénéfices, et de favoriser les combinaisons de solutions entre elles pour créer des synergies et ainsi amplifier les effets de rafraîchissement urbain.

Les bureaux d’études et les outils de diagnostics précédemment évoqués représentent des précieux atouts dans la mise en œuvre de ces démarches, mais aussi dans l’évaluation de leur efficacité. Le centre de ressources Plus fraîche ma ville de l’ADEME met également à disposition des collectivités un espace projet permettant de réaliser des simulations budgétaires et d’accéder à des recommandations, que ce soient des solutions vertes, bleues ou grises. Un accompagnement spécifique dans le cadre de la Mission Adaptation offre aussi des démarches d’adaptation face au changement climatique.

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Chaleur en ville
@Zoé Kergutuil

 

Combiner les solutions : un effet amplificateur à évaluer avec attention

Il est important de noter que la mise en place d’une seule solution n’est pas suffisante pour régler l’effet d’ICU. Les projets urbains combinent généralement plusieurs solutions pour amplifier leur efficacité. Cependant, toutes les solutions ne sont pas compatibles : ainsi, certaines solutions vont même s’annuler, tandis que d’autres vont voir leurs effets se multiplier en se combinant. On parle alors de synergies. L’alliance d’espaces verts et de plans d’eau ou de rivière agissent par exemple en synergie et produisent des effets plus importants que si ces solutions étaient mises en place de manière isolée. À l’inverse, en bordure de route, un front urbain continu sera favorable à la limitation de l'exposition aux nuisances sonores, mais défavorable à la circulation de l'air.

 

Les solutions fondées sur la nature (solutions vertes)

Les solutions fondées sur la nature (SFN), ou solutions vertes, offrent des leviers efficaces et durables pour atténuer les effets des ICU. Elles reposent principalement sur l’intégration du végétal et de l’eau dans l’aménagement urbain, et présentent de nombreux cobénéfices : amélioration du confort thermique, réduction de la demande énergétique pour la climatisation, régulation du ruissellement des eaux pluviales, soutien à la biodiversité, et sur le recours le moins étendu possible à l'artificialisation des sols.

La végétalisation

La végétation joue un rôle central dans la régulation thermique des espaces urbains, grâce à des mécanismes naturels comme l’évapotranspiration, qui permet de dissiper la chaleur, ou encore l’ombrage, qui limite l’absorption du rayonnement solaire par les surfaces minérales.
Pour être efficace, la végétalisation doit être pensée dès les premières esquisses d’un projet urbain, afin de s’inscrire pleinement dans les logiques de conception bioclimatique et de résilience climatique. Elle peut être déployée à différentes échelles, et ce de manière complémentaire :

  • à l’échelle macro : création ou renforcement de parcs urbains, coulées vertes ou corridors écologiques

  • à l’échelle intermédiaire : plantation d’arbres d’alignement, pelouses, jardins partagés ou parkings végétalisés

  • à l’échelle du bâti : toitures végétalisées, pieds de façades, façades végétales, cours d’immeuble ou cours d’écoles renaturées

Le CEREMA propose un guide pour végétaliser les espaces urbains, afin de déterminer quelles espèces planter et où. En complément, SÉSAME, créé par le CEREMA avec la Ville et l'Eurométropole de Metz, sert également d’outil d’aide à la décision dans le choix des essences à planter pour les collectivités.

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Paris vu du ciel
@Pedro Correia
Désartificialisation des sols

La réduction de l’emprise au sol apporte de nombreux bénéfices environnementaux. Elle permet de limiter les îlots de chaleur urbains, de préserver les nappes souterraines grâce à une meilleure infiltration de l’eau et de diminuer les risques d’inondation accentués par le réchauffement climatique. Un projet pensé dans cette logique s’inscrit donc dans une démarche vertueuse et durable.

L'eau

L’eau joue un rôle-clé dans le rafraîchissement urbain, notamment grâce au phénomène d’évaporation, qui contribue à abaisser localement la température de l’air. La ville abrite généralement déjà des milieux aquatiques, comme des plans d’eau et cours d’eau (réservoirs, étangs, lacs, rivières, ruisseaux). Les effets de rafraîchissement liés à l’eau sont visibles aussi bien à l’échelle de la ville que du piéton, et ce proportionnellement à la taille du plan d’eau ou du cours d’eau. Ces éléments peuvent faire l’objet de renaturation ou restauration (réouverture de ruisseaux, aménagement de berges, reprofilage) qui peuvent aussi impacter leurs impacts sur les ICU.

Par ailleurs, la gestion à la source des eaux pluviales, soit l’infiltration de l’eau au plus près de là ou elle tombe, incite à désimperméabiliser et à limiter l’imperméabilisation des sols. Cette solution est recommandée avec un renforcement global de la présence de l’eau dans la ville, à travers des aménagements tels que les noues, fossés végétalisés, ou rétentions temporaires. Elle permet aussi de recharger les sols et de soutenir la végétation en période de sécheresse, garantissant ainsi son pouvoir rafraîchissant.

A noter que la ressource en eau en période estivale constitue un facteur déterminant : en climat méditerranéen ou aride, il convient de veiller à la sobriété hydrique des aménagements. A cet égard, la récupération des eaux grises pour l'arrosage constitue un enjeu majeur. Le choix des végétaux est ainsi à évaluer selon les contextes : des espèces végétales peu gourmandes en eau évitent une consommation trop importante, mais en conséquence, favorisent moins l'évapotranspiration et donc le rafraîchissement.

Les solutions techniques (solutions grises) 

Les solutions techniques (ou solutions grises) désignent un ensemble de dispositifs liés à l’aménagement et aux caractéristiques physiques de la ville. Elles s’appuient sur la forme urbaine, les revêtements, les matériaux, le mobilier urbain ou encore les technologies intégrées au bâti, et visent à limiter l’accumulation de chaleur dans l’espace urbain. Elles permettent notamment de favoriser la circulation de l’air, limiter le piégeage thermique et optimiser le confort thermique en période estivale.

La conception bioclimatique

La forme urbaine joue un rôle essentiel dans la régulation du microclimat. Pour optimiser la ventilation naturelle et réduire les effets d’accumulation de chaleur, les actions portent sur l’implantation des bâtiments, l’orientation des rues, la hauteur des constructions ou la répartition des pleins et des vides. Pour aller plus loin, la table-ronde “Faire une ville adaptée" de la Journée Francilienne #6 d’Ekopolis aborde cette thématique.

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Conception bioclimatique
Exemple de mise en oeuvre de dispositifs de rafraîchissement d'îlots (source : OAP Environnement et Santé Plaine Commune) @Zoé Kergutuil
Éléments techniques au service du rafraîchissement

A la différence des solutions techniques sur les nouveaux projets ou sur les rénovations lourdes, des modes d’action sur l’existant permettent des améliorations avec des interventions plus légères. On peut citer les structures d’ombrage (pergolas, voiles, auvents), les éléments d’eau techniques, (fontaines, jets d’eau urbains, systèmes d’arrosage urbain), ou encore la création d’îlots de fraîcheur avec l’aménagement de cours d’école, d'espaces plantés arborés et couvrants, d'espaces verts aménagés pour accueillir les populations de tout âge, de salles rafraîchissantes disponibles pour toustes... Ces aménagements ponctuels ou pérennes contribuent à l’amélioration du confort thermique des usager·es dans leur quotidien.

La ventilation naturelle s’appuie aussi sur la conception de logements traversants, qui facilitent la circulation de l’air entre deux façades opposées. Dans un même espace, des ouvrants placés en haut et en bas, sur une hauteur d’au moins 4 mètres, renforcent l’effet de tirage thermique. Des dispositifs tels que la boîte à vent, le fenestron ou l’imposte complètent ce principe et optimisent le renouvellement d’air intérieur (source : Bâtiment frugal bordelais).

Revêtements de sol : jouer sur l’albédo et la porosité

Les revêtements de sol sont également des leviers puissants pour agir sur la température des surfaces urbaines. La question de l’albédo apparaît souvent comme prédominante, mais est à nuancer, comme l’explique l’APUR. En effet, les revêtements à albédo élevé, en particulier les matériaux clairs, reflètent davantage le rayonnement solaire, ce qui permet de limiter l’accumulation de chaleur en profondeur et de préserver le confort thermique nocturne. Toutefois, leur usage nécessite une attention particulière à l’éblouissement et à l’inconfort en journée.

Les revêtements drainants, qui retiennent temporairement l’eau, favorisent l’évaporation locale et participent à la régulation thermique tout en réduisant le ruissellement. Ce sont des leviers utiles qui permettent aussi de recharger les sols en eau, qui sera disponible pour la végétation en période de rareté de la ressource.

Enfin, les matériaux à changement de phase sont également prometteurs : ils permettent de stocker la chaleur en journée et de diminuer la température de surface, tout en réduisant les besoins de climatisation des bâtiments. Pour cela, ils fondent et absorbent la chaleur lorsque le température dépasse leur température de fusion. Ils se solidifient ensuite lorsque la chaleur redescend, restituant ainsi l’énergie accumulée.

Globalement, les types de matériaux utilisés pour l'isolation sont essentiels : certains isolants, excellents pour une isolation d'hiver, constituent des solutions médiocres pour le confort d'été. A cet égard, les performances des matériaux biosourcés sont exemplaires, notamment le chanvre et béton de chanvre.

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MCP
Schéma explicatif des matériaux à changement de phase (MCP) (source : ADEME) @Zoé Kergutuil
Bâtiments : enveloppe bâtie et technologies spécifiques

L’enveloppe bâtie constitue une autre dimension essentielle des solutions grises. L’isolation et l’inertie thermique des bâtiments peuvent être pensées pour moduler les échanges de chaleur avec l’extérieur, en jouant sur la conductivité, la capacité de stockage thermique et l’épaisseur des isolants

Le CEREMA propose des outils de diagnostic de la surchauffe des bâtiments, à destination des collectivités, afin d’adapter les réponses pour les logements collectifs ou équipements publics. Pour les maisons individuelles, certaines solutions techniques comme MACH+, ou les projets de recherche SAFE RGA et SEHSAR, s’intéressent aux phénomènes liés au retrait-gonflement des argiles, aggravés par les sécheresses estivales.

Outre l’enveloppe bâtie, certaines technologies peuvent également contribuer à l’atténuation des îlots de chaleur, à condition d’être bien intégrées dans une logique de sobriété. Les panneaux solaires en sont un bon exemple : installés sur les toits en milieu urbain, ils permettent de réduire l’exposition directe des toitures tout en produisant une énergie renouvelable locale. Ces solutions peuvent être associées à une toiture végétalisée (source : Adivet).

Les solutions douces (comportements et gestion urbaine)

Les solutions douces agissent sur les pratiques humaines, aussi bien individuelles que collectives. Elles ont pour objectif de réduire les apports de chaleur anthropiques (issus des activités humaines) et de proposer une adaptation des comportements face aux fortes chaleurs en ville.

Réduire les sources d’émission de chaleur anthropique

Les moteurs thermiques, les systèmes de climatisation, ou encore certains process industriels génèrent des rejets de chaleur qui amplifient le phénomène d’ICU. Le premier levier de réduction concerne la circulation automobile, et en particulier la voiture : en effet, celle-ci émet de la chaleur sensible, mais aussi latente (vapeur d’eau chaude). Pour agir, plusieurs solutions existent : limitation de la circulation de tous les véhicules motorisés, limitation des vitesses de circulation, report vers les transports en commun, les modes doux (marche, vélo) ou encore les véhicules électriques.

La surchauffe urbaine est aussi accentuée, paradoxalement, avec le recours massif à la climatisation, via les rejets de chaleur vers l’extérieur. Pour réduire ce phénomène, le développement de solutions passives de confort thermique dans les logements (ventilation naturelle, isolation, végétalisation), ou la mutualisation des besoins via des réseaux de froid apportent des solutions concrètes. 

(Ré)adapter les comportements individuels et collectifs 

Les solutions douces passent aussi par la prévention et l’accompagnement des comportements, notamment pour protéger les plus vulnérables. À la suite des épisodes caniculaires, des plans canicule ont été mis en place en France pour informer et alerter les populations vulnérables (personnes âgées, malades, nourrissons, femmes enceintes…). Ces plans visent à diffuser les bons gestes (hydratation, ventilation, adaptation des horaires) et à activer des dispositifs de solidarité, qu’ils soient municipaux ou associatifs.

D’autres leviers peuvent être mobilisés, comme l’adaptation des rythmes de travail (horaires décalés, télétravail en cas de pic de chaleur), ou des campagnes d’information ciblées sur la gestion de la chaleur en milieu urbain.

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@Zhanhong Cheng

Leviers dans les documents de planification et de prévention

La problématique des ICU, largement sous estimée sous nos latitudes dites “tempérées”, a longtemps peiné à être prise en compte par les documents d’urbanisme. Aujourd’hui, des documents de planification régionaux visent à mieux prendre en compte cet enjeu, tels que les futurs PRACC (Plan Régional d’Adaptation au Changement Climatique) ou SDRIF-E (Schéma directeur de la Région Île-de-France). À l’échelle des villes ou des intercommunalités, les SCoT (Schéma de Cohérence Territorial) ou PCAET (Plan Climat Air Énergie Territorial) constituent également des leviers pour se saisir de la problématique globale de chaleur urbaine. Mais au regard du caractère micro-localisé des ICU, il faut également s’appuyer sur des outils plus fins, en particulier avec les PLU et PLUi.

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Schéma planification ICU
Schéma des principaux documents de planification en Île-de-France intégrant la lutte contre la chaleur en ville @Zoé Kergutuil

À l'échelle régionale

Le SDRIF-E de la région Île-de-France intègre explicitement la nécessité de lutter contre les effets d’ICU à travers différents axes. Parmi les grandes orientations, le SDRIF-E prévoit un développement de la nature en ville pour faire face aux effets du changement climatique, en particulier via la végétation comme régulateur thermique, ainsi que des bâtiments adaptés mettant en application les principes du bioclimatisme. Ces objectifs sont précisés dans plusieurs orientations réglementaires (OR) à disposition des collectivités, notamment :

  • OR 27 : tout accroissement de la densité urbaine doit être accompagné d’un maillage vert efficace, contribuant à la réduction de l’effet d’îlot de chaleur

  • OR 28 : obligation de préserver et restaurer les espaces de pleine terre dans les zones urbanisées, condition essentielle à l’évapotranspiration et à l’infiltration des eaux de pluie

  • OR 35 : les documents d’urbanisme locaux doivent favoriser :

    • la maximisation du pouvoir rafraîchissant de la nature (végétalisation, eau, pleine terre)

    • un aménagement bioclimatique, en intégrant l’orientation des bâtiments, l’ombrage, l’usage de matériaux biosourcés ou à faible inertie thermique, et la gestion des eaux pluviales

    • la rénovation énergétique du bâti, pour limiter les rejets de chaleur liés à la climatisation

Le Plan des mobilités en Île-de-France 2030, qui guide les politiques de transport à l’échelle régionale, intègre également la problématique des îlots de chaleur. Il rappelle qu’un·e Francilien·e sur deux vit dans un quartier potentiellement soumis à un effet moyen à fort d’ICU, ce qui pose des enjeux en matière de confort thermique des usagers, d’équité territoriale et d’adaptation des infrastructures de mobilité (stations, gares, voiries). Cela renforce la nécessité de désimperméabiliser, végétaliser et ombrager les parcours de déplacement, et d’encourager les mobilités douces, moins émissives de chaleur que la voiture individuelle.

La Région Île-de-France s’appuie également sur des dispositifs sanitaires pour faire face aux vagues de chaleur. Le Plan Canicule, activé chaque année entre le 1er juin et le 15 septembre, coordonne les actions de prévention, d’alerte et d’accompagnement des personnes vulnérables (personnes âgées, malades, enfants, etc.). Il mobilise les acteurs de la santé, du médico-social et des collectivités autour de recommandations concrètes pour réduire les risques sanitaires liés à la chaleur.

En parallèle, la Région a engagé depuis 2020 un plan de création d’espaces de fraîcheur de proximité, avec 1,5 million d’euros d’investissements.

A l’échelle communale ou intercommunale

SCoT

Le SCoT de la Métropole du Grand Paris intègre la lutte contre les ICU comme un enjeu central d’adaptation, en agissant à la fois sur la forme urbaine et la place de la nature en ville. Il encourage des densités maîtrisées, la désimperméabilisation des sols, la végétalisation et la préservation des espaces de pleine terre, avec un objectif de 30 % dans les zones urbanisées. 
Il recommande aux PLUi d’intégrer une OAP « Carbone Climat » pour adapter les projets aux enjeux climatiques, et propose de cartographier des « secteurs de renforcement de la nature » où s’appliquent des dispositifs comme l’indice de canopée, le coefficient de nature ou des matériaux de sol adaptés. Le coefficient de biotope est aussi valorisé pour imposer des surfaces végétalisées, y compris en toiture ou sur dalle. Enfin, le SCoT souhaite renforcer la présence de trames vertes et bleues pour intégrer durablement la nature dans les tissus urbains et ainsi limiter la surchauffe. 
L’effet d’ICU est également répertorié dans la cartographie “Maîtriser les risques et lutter contre les dégradations environnementales” du SCoT.

Le SCoT de Marne et Gondoire prévoit de lutter contre les ICU en agissant à plusieurs échelles. Dans les nouvelles opérations d’aménagement, il impose de limiter l’imperméabilisation des sols et d’intégrer systématiquement des espaces verts. Pour les projets de requalification des secteurs urbanisés, il encourage la désimperméabilisation et la création de zones de fraîcheur. En s’appuyant sur la trame verte et bleue, le SCoT entend également renforcer la préservation des espaces naturels et la présence de l’eau en ville. Enfin, il prévoit la possibilité de réserver, via les PLU, des emplacements dédiés aux espaces verts dans le cadre de l’amélioration de l’espace public.

PCAET

Les PCAET permettent aux collectivités de mieux prendre conscience des vulnérabilités de leur territoire face aux ICU, et leur donner des clés pour passer à l’action. En s’appuyant sur un diagnostic précis, ils définissent des objectifs adaptés et proposent des actions concrètes pour limiter la surchauffe en ville. Cela passe notamment par la végétalisation, la désimperméabilisation, des aménagements plus adaptés au climat, mais aussi la sensibilisation des habitant·es.

Le PCAET du Grand-Orly Seine Bièvre accorde une attention particulière à la lutte contre les ICU. En effet, d’après son diagnostic, 36 % des habitant·es sont vulnérables en journée face aux fortes chaleurs, un chiffre qui atteint 55 % la nuit. Le PCAET prévoit ainsi l’acquisition d’outils d’évaluation et de modélisation des ICU à fine échelle, pour guider au mieux les communes et les acteurs de l’aménagement. 
En termes opérationnels, le plan préconise la transformation des espaces publics minéralisés, en limitant l’imperméabilisation dans les nouveaux projets (ex. : parkings enherbés, revêtements perméables) et en engageant des opérations de désimperméabilisation sur les surfaces existantes comme les cours d’école, trottoirs ou parkings, le tout accompagné d’une végétalisation renforcée. 
Le plan prévoit aussi une action spécifique pour créer des îlots de fraîcheur dans les espaces publics et privés, notamment via l’intégration d’un zonage pluvial dans le PLUi favorisant l’évapotranspiration, l’infiltration des eaux et la déconnexion progressive des réseaux.

Un autre exemple est le PCAET de la communauté d’agglomération Plaine Vallée, qui prévoit la lutte contre les ICU dans un objectif global de résilience territoriale. Parmi les priorités figurent la préservation des zones tampons, la plantation d’essences forestières adaptées au changement climatique, et surtout la mise en place d’aménagements limitant l’imperméabilisation des sols. Pour agir, un travail conjoint avec les communes pour identifier les zones sensibles aux ICU est prévu. Cela se traduit ensuite par des projets de désimperméabilisation de centres urbains, de parkings et de cours d’école, la création de noues végétalisées, ou encore de végétalisation des bâtiments.

PLU et PLUi

Les PLU et PLUi sont des leviers essentiels pour intégrer la lutte contre les ICU dans les projets d’aménagement. Le PADD (projet d’aménagement et de développement durable) fixe les grandes orientations du territoire et peut inscrire explicitement l’adaptation au changement climatique comme priorité. Les OAP (orientations d’aménagement et de programmation), qu’elles soient sectorielles ou thématiques, permettent de décliner ces orientations de manière opérationnelle, par exemple en identifiant la renaturation de secteurs précis, en définissant des formes urbaines favorables à la ventilation, ou en localisant les mobilités douces à développer sur le territoire.

Enfin, le règlement encadre concrètement les constructions et aménagements, ou en localisant les mobilités douces à développer sur le territoire. Il peut fixer des taux de pleine terre, des obligations de végétalisation ou limiter les matériaux stockant la chaleur, traduisant ainsi directement les enjeux de rafraîchissement urbain dans les permis de construire.

Pour les solutions vertes

Pour les solutions vertes, les PLU(i) peuvent imposer ou encourager la création d’espaces verts, la plantation d’arbres, l’installation de toitures et façades végétalisées, ainsi que la préservation ou la restauration de plans d’eau ou de rivières naturelles comme éléments de rafraîchissement. Le règlement peut définir des règles telles que le coefficient de biotope ou de pleine terre ou la gestion des eaux pluviales à ciel ouvert, pour renforcer la place du vivant dans les projets. 

Par exemple, le PLUi de la communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau émet des recommandations pour intégrer la végétalisation au bâti et ainsi constituer des dispositifs de rafraîchissement passif et de protection solaire. Avec son OAP Biodiversité et adaptation au changement climatique, le PLU bioclimatique de Paris cherche à limiter la perméabilité des sols de manière générale. Pour cela, il propose la mise en place de jardins de pluie, une technique alternative de gestion locale des eaux pluviales, en plus de noues, jardins de pluie et mares. Plus globalement, il reprend les principes du bioclimatisme pour se saisir des déterminants environnementaux de la santé.

Le PLU métropolitain de Bordeaux encourage les toitures et murs végétalisés, l’usage de revêtements perméables et la préservation du patrimoine arboré. Un coefficient de végétalisation est généralisé pour favoriser la végétalisation des projets, tandis que des obligations de plantation s’appliquent désormais aux aires de stationnement afin de limiter les îlots de chaleur urbains. 

Pour les solutions grises

Les PLU peuvent ainsi encourager l’utilisation de matériaux à faible albédo, notamment pour le traitement des toitures ou des revêtements au sol. Le PLUi de Plaine Commune prévoit à la fois dans son OAP “Environnement et Santé” et dans le règlement des prescriptions sur les matériaux, les couleurs et le traitement des toitures pour réduire les apports thermiques.

D’autres documents vont plus loin sur les principes bioclimatiques, en intégrant des règles sur l’orientation des bâtiments, la répartition des surfaces vitrées, la ventilation naturelle ou encore les apports solaires. Le PLUi d’Est Ensemble précise ainsi la répartition des espaces vitrés pour favoriser le confort d’été comme d’hiver. Le PLU bioclimatique de Paris impose même, via l’article 5.1.3, des exigences de confort d’été supérieures à la RE2020, en demandant par exemple l’installation de protections solaires extérieures sur les vitrages exposés. Le PLU métropolitain de Bordeaux impose l’installation de panneaux solaires sur les toitures des nouvelles constructions de plus de 80 m² et des extensions de plus de 40 m².

Plusieurs OAP, comme l’OAP “Construction neuve” du PLU-b de Paris, formulent des recommandations pour intégrer des dispositifs passifs de rafraîchissement, adapter la conception des bâtiments aux saisons, ou améliorer le confort des derniers étages, notamment en cas de toitures en matériaux sensibles à la chaleur. Elles encouragent aussi une densité bâtie maîtrisée afin de préserver des espaces interstitiels propices à la circulation de l’air. De la même manière, l’OAP “Construction durable” du PLUi de Paris Est Marne et Bois donne des recommandations pour préserver et renforcer les cœurs d'îlots et favoriser la circulation des vents pour une ventilation naturelle des bâtiments.

De manière globale, les PLU doivent s’assurer qu’ils n’empêchent pas la conception bioclimatique au travers de leurs règles.

Plans spécifiques à l’échelle de la ville ou commune

En complément des documents réglementaires, certaines collectivités mettent en place des plans thématiques ou spécifiques pour renforcer leur action contre les ICU, avec des mesures concrètes et ciblées.

À Paris, le Plan Climat fixe des objectifs ambitieux via des fiches-actions opérationnelles. Celles-ci proposent par exemple de végétaliser en priorité les secteurs les plus minéralisés pour atteindre 20 % de végétation sur la moitié du territoire, désimperméabiliser 40 % des sols, ou encore créer des toitures fraîches sur les équipements municipaux (avec de la végétalisation, de la peinture réfléchissante, ou de l’isolation). Le plan prévoit aussi la végétalisation des cours d’immeuble du parc social et l’ouverture de ces espaces au public, ainsi que la création d’espaces de refuge contre la chaleur dans les écoles et crèches.

À Clermont  Auvergne Métropole, le Plan d’adaptation au changement climatique s’appuie sur une étude de vulnérabilité du territoire pour pousser une stratégie globale de verdissement et d’adaptation de l’urbanisme à la chaleur en ville, mais aussi l’intégration du climat futur dans la gestion des risques naturels.

La ville de Bordeaux a créé quant à elle un label « Bâtiment frugal bordelais » avec un Guide dédié incitant notamment  :

  • à la construction de logements traversants

  • à l'insertion de pare-soleil

  • à l'utilisation de matériaux permettant le déphasage en été

  • à la non artificialisation des sols ou à l'optimisation de l'emprise des projets

Enfin, pour les petites communes, un guide dédié aide à intégrer la gestion des vagues de chaleur dans les plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde, en ciblant les populations vulnérables et en favorisant des actions simples et locales, par exemple le repérage et la mise à disposition de lieux frais ou encore l’installation de points d’eau.
 

Synthèse des solutions contre les ICU dans les documents de planification

Cartographies

 

Pour aller plus loin
 
Récapitulatif des exemples de solutions contre les ICU dans les documents de planification