“L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets.”.
En France, la transition vers une économie circulaire est reconnue officiellement comme l’un des objectifs de la transition énergétique et écologique, et comme l’un des engagements du développement durable.
À échelle européenne, le secteur du bâtiment représente 40 % de la consommation en énergie et plus de 50 % des matières premières extraites. En France environ 213 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année par le secteur du BTP. Ils représentent plus de 76% de la totalité des déchets produits en France.
Le domaine de la du bâtiment et de l'aménagement" a donc la capacité et la responsabilité d'intervenir à divers niveaux afin d'atténuer son empreinte environnementale : renforcer le tri des déchets, les valoriser et développer le réemploi via un approvisionnement (flux entrants) durable et la recherche d’exutoires (flux sortants).
Parmi les différents piliers de l’économie circulaire, le présent document s'intéresse particulièrement à la question du réemploi.
1- Logique de stock et taux de préservation
Un premier élément essentiel pour fixer des objectifs de réemploi dans les marchés est de ne pas confondre des logiques de stock avec des logiques de flux.
Selon l’approche détaillée dans le manuel “Fixer, suivre et rapporter sur les taux de récupération et de réemploi dans les projets de construction”, le stock correspond aux aménagements préexistants qui font l’objet de projets de transformation. Ce “stock” est constitué par l’ensemble des matériaux qui forment les bâtiments, les voiries, les espaces publics…
Dans cette logique, le stock correspond à ce qui ne bouge pas. Autrement dit, à la partie des aménagements existants que l’on préserve, qui restent en place, qui ne sont pas mis en circulation. C’est ce qui est dessiné en gris au centre de l’illustration précédente.
En creux de cette définition, les flux correspondent à l’ensemble des matières, matériaux et composants qui entrent (en bleu dans l’illustration) et sortent (en rouge dans l’illustration) du site d’intervention. L’objectif de la présente fiche est de favoriser au maximum la réduction de ces flux.
Dans une perspective d’économie circulaire et de gestion responsable des ressources, l’objectif prioritaire est de maximiser la préservation du stock.
Et toujours selon cette approche, un scénario qui préserverait en grande partie les aménagements de l’espace public existants (structures et revêtements de sols, barreaudages, mâts d’éclairage, potelets…) d’un espace public peut atteindre des taux de préservation relativement élevés.
2- Logique de flux sortant et taux de récupération
Toujours selon le guide cité plus haut, les flux sortants correspondent à l’ensemble des matières, matériaux et composants qui sont extraits du site d’origine (site de projet) lors des travaux de déconstruction (partielle ou complète).
Le taux de récupération désigne la fraction de ces matériaux et éléments extraits des aménagements d’origine (flux sortant) qui font l’objet d’une récupération soigneuse en vue d’être réemployée pour un nouvel usage (que ce soit sur le même site ou sur un autre chantier et qu’ils passent ou non par l’intermédiaire d’une entreprise professionnelle de récupération).
Pour mémoire, le taux de récupération s’applique sur le flux sortant. Il est décorrélé de la notion de stock (ce qui ne bouge pas).
3- Logique de flux entrants et de taux de réemploi
Les travaux d’aménagement et de construction occasionnent également un flux de matières entrantes. Il s’agit de toutes les matières, matériaux et composants qui sont utilisés sur le chantier pour réaliser les travaux planifiés.
Ce qui nous intéresse in fine c’est de connaître la proportion de matériaux réemployés à l’occasion de ces travaux. Il est possible d’exprimer le taux de réemploi de la façon suivante :
La quantité de matériaux réemployés inclut les matériaux réemployés du flux entrants additionnés à ceux récupérés dans les aménagements d’origine (cas particulier du réemploi sur site). Il exclut les matières, matériaux et composants qui sont restés en place dans un effort de préservation du stock.
1- Objectif en valeur absolue ou relative ?
Travailler en valeur relative permet de faire face à une grande variété de situations et d’échelles de projets. Cela permet aussi une forme de comparabilité entre différentes propositions, éventuellement très différentes en matière de quantités absolues.
Dans certains contextes, il est tout à fait possible de fixer un objectif de réemploi en quantité absolue. (Par exemple, demander à ce que 10 tonnes de briques soient remises en œuvre dans tel ouvrage de maçonnerie). Cette approche peut s’avérer pertinente lorsque le lot à réemployer et les besoins à remplir sont clairement identifiés. Elle perd toutefois en comparabilité : on ne sait pas ce que ces 10 tonnes représentent au sein des flux totaux. 0,1 % ? 50 % 99,9 % ?
Dans tous les cas, et quelque soit la méthode retenue pour exprimer l'objectif de réemploi (en valeur absolue ou relative), la réussite opérationnelle est corrélée au “sourcing”, incluant l'accès aux gisements et le calendrier d'approvisionnement.
EXEMPLES D’OBJECTIFS DANS DES MARCHÉS DE SERVICE DE CONCEPTION
Marché de service pour la conception d’un aménagement urbain
« La thématique de l’économie circulaire est mise au premier plan avec deux approches requises : l’évolutivité du projet (qui est évaluée au sein du critère “Habitabilité”) et le choix des matériaux.
Choix des matériaux : dans un objectif de réduction de l’exploitation des ressources naturelles et de limitation de l’impact environnemental des constructions, le soumissionnaire privilégiera, lors du choix de nouveaux matériaux entrants (autres que les matériaux issus du réemploi sur site) :
- des matériaux et éléments de construction issus des filières de réemploi locales en lieu et place des matériaux ou produits de construction issus de matières premières.
- des matériaux, des produits de construction et des techniques constructives qui offrent un potentiel de réutilisation pour une fonction similaire, ou qui offrent une possibilité de valorisation par recyclage.
- des matériaux, des produits de construction et des techniques constructives dont le processus de production utilise un pourcentage de matières recyclées.
- des matériaux, des produits de construction et des techniques constructives ayant un potentiel élevé de recyclage en fin de vie [...].
Il y a une volonté de s’inscrire dans un projet d’économie circulaire où la quantité de déchets de construction produite est réduite au maximum, et où on a recours au démontage sélectif et au réemploi in situ ou hors site. De plus, les matériaux doivent être sains, non polluants et avoir un impact environnemental et sanitaire le plus faible possible. [...] »
EXEMPLES D’OBJECTIFS DANS DES MARCHÉS DE SERVICE DE TRAVAUX
Marché de travaux pour des aménagements de voirie
« La volonté du Maître d’ouvrage est d’étendre son engagement en s’inscrivant dans une démarche plus large d’économie circulaire, en permettant également l’intégration dans ses aménagements des matériaux de réemploi acquis à l’extérieur du site.
Les sources de matériaux de réemploi à considérer sont donc (a) le site luimême, ainsi que les stocks préexistants du Maître d’ouvrage, et (b) le marché des matériaux de réemploi [...]. Pour cette seconde source, la priorité est mise sur l’acquisition de matériaux auprès de fournisseurs spécialisés dans la récupération, la préparation au réemploi et la revente de matériaux de construction. En effet la volonté du Maître d’ouvrage est d’assurer pour ses chantiers l’approvisionnement le plus fiable et stable possible tout au long de l’exécution de l’accord-cadre et dans un même temps de stimuler le développement de cette filière professionnelle du réemploi. »
2- Objectif qualitatif ou quantitatif ?
Même si la mise en place d’objectifs quantitatifs dans les marchés permet de comparer notamment plus facilement les offres, elles imposent en contrepartie un cadre consultatif plus rigoureux (création d’indicateurs de comparaison, étapes d’analyse supplémentaires des offres…).
L’introduction d’objectifs qualitatifs permet en revanche de faire face à une grande variété de situations et d’échelles de projets. Cela permet aussi une forme de comparabilité entre différentes propositions, éventuellement très différentes en matière de quantités absolues. C’est aussi une façon très claire de communiquer sur les efforts entrepris et les résultats atteints au sein de chaque réalisation.
Il est également envisageable de s'interroger sur l'affectation “qualitative” (économique et écologique) du réemploi au regard des caractéristiques du projet en introduisant une obligation de résultat sur la valorisation matière et/ou la réduction des émissions de CO2 par exemple.
EXEMPLE POUR MESURER LES EFFORTS DE RÉEMPLOI : INCIDENCE DES UNITÉS
Pouvoir adjudicateur : Commune de Dilbeek
Conception : Rotor Dilbeek (Belgique), 2019
Suite à la construction d’un bloc sanitaire pour un local de mouvements de jeunesse, un bilan des efforts de réemploi a été réalisé. Celui-ci se présente de la façon suivante :
Ce tableau appelle plusieurs remarques :
- L’objectif initial avait été formulé de façon ouverte et qualitative. Les données reprises ici sont issues d’un bilan mené a posteriori. Elles n’ont pas été fixées d’emblée comme un objectif.
- Le choix des unités montre des variations intéressantes. Par exemple, des panneaux d’isolants ont été achetés auprès d’un fournisseur spécialisé dans les fins de stocks (il ne s’agit donc pas de réemploi à strictement parler, puisque ces panneaux n’avaient encore jamais été mis en œuvre). Ceux-ci apparaissent clairement dans le bilan volumique alors qu’ils sont comparativement moins représentés dans le bilan de la masse.
- Un bilan de 25 % de réemploi en masse est déjà un beau résultat ! Le caractère relativement simple du programme, la taille réduite du bâtiment et les efforts réalisés par les prestataires expliquent ce seuil élevé.
3- Objectif incitatif ou contractuel ?
Les objectifs incitatifs sont propres au projet. Ils permettent de donner une direction commune aux parties impliquées et d’appuyer certaines décisions mais ne constituent pas un élément de recours en cas de non-atteinte des objectifs.
Les objectifs sont contractuels sont des éléments déterminants lors du choix d’une offre. L’objectif peut être intégré à un critère d’attribution ou comme une spécification technique du marché.
Établir des objectifs contractuels nécessite de solides phases d’études préalables. Pour des objectifs de récupération par exemple, il faudra avoir levé la plupart des incertitudes quant au potentiel de réemploi des éléments concernés. Ceci repose en grande partie sur une bonne campagne d’inventorisation et un budget alloué dès la phase programmation du projet (accompagnement éventuel par un AMO + études à proprement parler).
1- S’appuyer sur le modèle du diagnostic PEMD
Il n’existe pas aujourd’hui d’obligation réglementaire à réaliser un diagnostic PEMD sur un espace public dans le cadre d’un projet d’aménagement. Pourtant, et notamment en renouvellement urbain, l'aménagement n'intervient pas sur terrain nu.
La méthode bâtimentaire d’inventaire que propose le diagnostic PEMD peut donc facilement se décliner sur les éléments de l’espace public.
Le diagnostic fournit les informations relatives aux produits, équipements, matériaux et déchets attendus de ces opérations de démolition ou de rénovation en vue, en priorité, de leur réemploi ou, à défaut, de leur valorisation. Il est généralement à la charge de la maîtrise d’ouvrage, mais peut avoir été réalisé en amont lors d’un portage foncier par exemple.
Le diagnostic intervient au plus tard en phase APS de la conception du plan guide mais idéalement dès la phase programmation. “Plus le diagnostic ressources intervient en amont et plus le réemploi des matériaux sera bénéfique au projet” et aura d’impact sur des choix de conception compatibles aux contraintes liées du réemploi.
2- Aller plus loin avec un diagnostic ressources
Dans les grandes lignes, la réalisation d’un diagnostic ressources vise à évaluer le potentiel quantitatif et qualitatif des matériaux et composants du site d’aménagement à être conserver comme stock, récupérés et/ou réemployés.
En pratique, il peut aller plus loin :
Existe-t-il de bonnes pratiques pour démonter / stocker ces éléments ? Les matériaux peuvent-ils être démontés sans s’altérer ? Certains types de mise en œuvre compliquent, voire empêchent, la récupération. Le cas échéant, des tests de démontage peuvent être effectués pour s’assurer de ceci.
- Existe-t-il une demande pour ces matériaux ?
- Les matériaux risquent-ils de contenir ou d’avoir été contaminés par des substances nocives ? Le cas échéant, le croisement avec l’inventaire des substances dangereuses ou des essais de caractérisation permettent de s’assurer de cet aspect.
- En sus des composants “rapportés” du site, il s'intéresse également, suivant les études de site et écologique (étude d’impact, faune flore …) préalables, à la nature et l’éventuelle pollution des sols, la biodiversité du site, l’ensemble des strates végétales.
3- L’option d’allotissement via un lot 00
Le principe général du lot réemploi est de prévoir, au sein du marché des travaux, un lot spécifiquement dédié aux flux de matériaux de réemploi pour les entreprises de travaux.
Le titulaire du “lot 00” agit ainsi comme une plateforme de collecte et de mise à disposition de matériaux de réemploi. Il est lié à l'incertitude et répond à plusieurs défis :
techniques, organisationnels, communicationnels, assurantiels.
Ekopolis, lorsque la maîtrise d’ouvrage a pu réaliser en amont une étude préalable de marché pour prendre connaissance des possibilités de réemploi offertes par le contexte local.
[REPLAY] PDT #7 : Réemploi et consultations : quelles actions en phase d'étude ?
Ekopolis, lorsque les seuils (si applicables) ont pu être étudiés soigneusement en amont au moyen d’études spécifiques (par exemple, analyse du marché du réemploi, inventaires des matériaux réutilisables disponibles, etc.).
[REPLAY] PDT #1 : Diagnostic PEMD, diagnostic ressources : quelles différences ?
Ekopolis, lorsque la maîtrise d’ouvrage est prête à ce que les soumissionnaires proposent des voies différentes pour arriver à l’objectif fixé.
[REPLAY] PDT #9 : Réemploi et consultations, des solutions en phase chantier ?
FCRBE, Reuse Toolkit. L’inventaire réemploi. Un guide pour l’identification du potentiel de réemploi des produits de construction avant la démolition. Décembre 2022.
https://www.ekopolis.fr/ressources/toolkit-reemploi-linventaire-reemploi
FCRBE, Bellastock et Rotor, Reuse Toolkit. Stratégies de prescription- intégrer le réemploi dans les projets de grande échelle et les marchés public https://vb.nweurope.eu/media/16539/wpt3_d_2_2_strategies-de-prescription_integrer-le-re-emploi-2022-01-27.pdf
FCRBE, Fixer, suivre et rapporter sur les taux de récupération et de réemploi dans les projets de construction
Publication en ligne : septembre 2023..
Disponible en ligne :
Rotor, Vade-mecum pour le réemploi hors-site.Comment extraire les matériaux réutilisables de bâtiments publics ? 2015.
Disponible en ligne : https://www.vademecum-reuse.org/Vademecum_extraire_les_materiaux_reutilisables-Rotor.pdf
Rotor, Maximiser la récupération des matériaux réutilisables.Formuler des objectifs de récupération dans un marché de travaux. 2022.
Disponible en ligne :
https://opalis.eu/sites/default/files/2022-02/Rotor-Maximiser_la_recuperation-2022.pdf
Analyse a posteriori de 32 projets de construction et de rénovation. Résultats et discussions.
Disponible en ligne : https://vb.nweurope.eu/media/21014/dt4_2_2_methodology-discussion-results_fr_20230928.pdf
Focus aménagements extérieurs et espaces publics page 46
32 fiches de projet détaillées.Informations sur les projets, les taux de réemploi et les éléments réemployés. (en anglais)
Disponible en ligne : https://www.bellastock.com/wp-content/uploads/2023/12/dt4_2_2_project-sheets_041023_lr.pdf
[FICHES] Marché Public Circulaire - Différentes configurations de montage de marché
Le projet LIFE WASTE2BUILD vise un changement de pratiques du secteur grâce à de nouveaux outils et modèles, afin de systématiser l’économie circulaire dans la commande publique et dans le secteur de la construction. La commande publique, qui représente 14% du PIB européen, constitue en effet un levier clé pour intégrer l’économie circulaire dans le BTP.
L'ensemble des fiches "Différentes configurations de montage de marché" est l'un des livrables de ce projet.
Disponible en ligne : https://www.ekopolis.fr/ressources/fiches-marche-public-circulaire-differentes-configurations-de-montage-de-marche
Exemples de CCTP
Diagnostic PEMD : CCTP Mission diagnostic produits, équipements, matériaux et déchets (PEMD) et accompagnement de la démarche de réemploi et recyclage pour l'opération de réhabilitation du collège Bellevue (Guémené-Penfao) MoA : Département de Loire-Atlantique
Diagnostic Ressources : CCTP Diagnostic déchets et réemploi du bâtiment du collège des iles mars (Misison DIAGNOSTIC RESSOURCES – AMO REEMPLOI) MoA : Mairie de Pont-de-Claix
Diagnostic hybride : PEMD et Ressources : CCTP Mission d’AMO économie circulaire dans le cadre de la rénovation d'un Centre Administratif + [important] Annexe (description de la consistance du DPEMRD) MoA : Eurométropole de Strasbourg
Projets exemplaires :
REX Le sixième toit, le chantier des possibles : expérimentation / réemploi / formation
REX La Bricole, Remontage à la Station - Gare des Mines
Fiche à savoir Urbanisme favorable à la sante